SYMPHONIE
La Fantastique de Berlioz
La Symphonie Fantastique : un drame en 5 actes
Première partie : Rêveries et Passions
L’auteur suppose qu’un jeune musicien, affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions, voit pour la première fois une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait son imagination, et en devient éperdument épris. Par une singulière bizarrerie, l’image chérie ne se présente jamais à l’esprit de l’artiste que liée à une pensée musicale, dans laquelle il trouve un certain caractère passionné, mais noble et timide comme celui qu’il prête à l’être aimé.
Ce reflet mélodique avec son modèle le poursuivent sans cesse comme une double idée fixe. Telle est la raison de l’apparition constante, dans tous les morceaux de la symphonie, de la mélodie qui commence le premier allegro. Le passage de cet état de rêverie mélancolique, interrompue par quelques accès de joie sans sujet, à celui d’une passion délirante, avec ses mouvements de fureur, de jalousie, ses retours de tendresse, ses larmes, etc., est le sujet du premier morceau.
Deuxième partie : Un bal
L’artiste est placé dans les circonstances de la vie les plus diverses, au milieu du tumulte d’une fête, dans la paisible contemplation des beautés de la nature ; mais partout, à la ville, aux champs, l’image chérie vient se présenter à lui et jeter le trouble dans son âme.
Troisième partie : Scène aux champs
Se trouvant un soir à la campagne, il entend au loin deux pâtres qui dialoguent un Ranz des vaches ; ce duo pastoral, le lieu de la scène, le léger bruissement des arbres doucement agités par le vent, quelques motifs d’espérance qu’il a conçus depuis peu, tout concourt à rendre à son cœur un calme inaccoutumé et à donner à ses idées une couleur plus riante. Il réfléchit sur son isolement; il espère n’être bientôt plus seul... Mais si elle le trompait !... Ce mélange d’espoir et de crainte, ces idées de bonheur troublées par quelques noirs pressentiments, forment le sujet de l’adagio. À la fin, l’un des pâtres reprend le Ranz des vaches ; l’autre ne répond plus... Bruit éloigné de tonnerre... Solitude... Silence...
Quatrième partie : Marche au supplice
Ayant acquis la certitude que non-seulement celle qu’il adore ne répond pas à son amour, mais qu’elle est incapable de le comprendre, et que, de plus, elle en est indigne, l’artiste s’empoisonne avec de l’opium. La dose du narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un sommeil accompagné des plus horribles visions. Il rêve qu’il a tué celle qu’il aimait, qu’il est condamné, conduit au supplice, et qu’il assiste à sa propre exécution. Le cortège s’avance aux sons d’une marche tantôt sombre et farouche, tantôt brillante et solennelle, dans laquelle un bruit sourd de pas graves succède sans transition aux éclats les plus bruyants. À la fin de la marche, les quatre premières mesures de l’idée fixe réaparaîssent comme une dernière pensée d’amour interrompue par le coup fatal. On entend alors quatre note descendantes représentant la tête du condamné qui roule.
Cinquième partie : Songe d'une nuit du Sabbat
Il se voit au sabbat, au milieu d’une troupe affreuse d’ombres, de sorciers, de monstres de toute espèce, réunis pour ses funérailles. Bruits étranges, gémissements, éclats de rire, cris lointains auxquels d’autres cris semblent répondre. La mélodie aimée reparaît encore, mais elle a perdu son caractère de noblesse et de timidité ; ce n’est plus qu’un air de danse ignoble, trivial et grotesque : c’est elle qui vient au sabbat... Rugissement de joie à son arrivée... Elle se mêle à l’orgie diabolique... Glas funèbre, parodie burlesque du Dies irae, ronde du Sabbat. La ronde du Sabbat et le Dies irae ensemble.
Pierre Boulez à propos de La Fantastique de Berlioz !
« L’expérience de Berlioz dans le domaine de la musique est assez singulière pour qu’elle n’ait jusqu’à présent pas été vraiment absorbée, qu’elle ne soit pas devenue part intégrale de la tradition. Alors que Wagner, par exemple, a suscité des admirateurs comme des contradicteurs acharnés, Berlioz donne toujours l’impression de l’isolement : il se situe à un point où les jugements habituels ont peu de prise. Je crois qu’il faut en voir la principale raison dans le fait qu’une grande partie de son œuvre est restée dans l’imaginaire. Personne ne songe à nier que ses créations existent ou qu’elles ne sont pas susceptibles de s’intégrer à l’héritage musical ; car, et c’est un phénomène qui le relie à Wagner, il a au moins autant de sens pratique que d’imagination. Une des constantes de son caractère est, précisément, ce mélange de réalisme et de fantaisie – le réalisme pouvant être aussi minutieux que démesurée la fantaisie. »
Pierre Boulez, « L’imaginaire chez Berlioz » (Musical America n° 42, 6 mars 1969)
Retrouvez la Symphonie Fantastique dans le concert de la saison :
Hector Berlioz, photo de Pierre Petit, 1863. Gallica-BnF
Extrait du manuscrit de la Symphonie fantastique de Berlioz